4 déc. 2011

José Saramago

Caïn, publié en 2009, est le dernier roman de José Saramago, prix Nobel de littérature en 1999. Avec un humour ravageur et un talent de conteur porté à son sommet, l'auteur retrace la Bible à sa façon. Dans l'extrait suivant, la reine Lilith repère Caïn devenu malaxeur d'argile et le fait ramener au palais par son envoyé.


Tel qu'il était, dans sa vieille tunique crasseuse, devenue quasiment un haillon, caïn, après avoir nettoyé du mieux qu'il put ses jambes barbouillées d'argile, suivit l'envoyé. Ils entrèrent dans le palais par une petite porte latérale donnant sur un vestibule où deux femmes attendaient. L'envoyé se retira pour aller annoncer que le malaxeur d'argile était arrivé et avait été confié aux soins des esclaves. Conduit par elles dans une pièce à part, caïn fut déshabillé et lavé sur-le-champ des pieds à la tête avec de l'eau tiède. Le contact insistant et minutieux des mains des femmes provoqua chez lui une érection qu'il ne put réprimer, à supposer que pareille prouesse fût possible. Elles rirent et, en guise de réponse, redoublèrent d'attentions envers le membre raidi qu'entre de nouveaux éclats de rire elles qualifiaient de flûte muette, laquelle avait soudain sauté entre leurs mains avec l'élasticité d'un serpent. Le résultat, vu les circonstances, était plus que prévisible, l'homme éjacula soudain en giclées successives, qu'agenouillées comme elles étaient, les esclaves reçurent sur le visage et dans la bouche.

19 nov. 2011

Abha Dawesar

Abha Dawesar publie en 2000 L'agenda des plaisirs, son premier roman. Il raconte l'histoire d'André, un jeune analyste financier de Manhattan, découvrant son homosexualité en succombant aux avances de son patron tout en ne pouvant résister à celles de l'épouse de celui-ci, Sybil.


Dans le taxi, Sybil s'est assise tout contre moi, la main droite innocemment glissée dans l'espace entre mes jambes. Le bonheur d'être en sa compagnie m'a envahi.
A la maison, je lui ai fait du thé, que nous avons siroté assis à table.
- André, je peux te bander les yeux ?
- Pourquoi ?
- Je peux ou non ?
- OK, vas-y
Elle a dénoué l'écharpe léopard de son cou et l'a attachée autour de ma tête. Tout est devenu noir.
- C'est trop serré ?
- Non
La pièce a été plongée dans le silence, je n'ai plus du tout entendu Sybil, ni senti sa présence. Immobilité totale pendant un temps qui m'a semblé long.
- Sybil, qu'est ce qui se passe ? lui ai-je demandé au bout d'un moment
Silence.
- Sybil ?
Silence.
- Sybs, réponds-moi
J'ai senti son doigt sur mes lèvres. Puis ses lèvres sur les miennes. Puis sa langue sur mes lèvres. Puis les poils de son pubis. Puis ses grandes lèvres.
Je me suis mis à la lécher. Conscient seulement de mes lèvres et du goût de son excitation. Elle a sorti ma queue de mon pantalon et s'est assise dessus. L'a engloutie dans son vagin. Puis en haut, en bas, en haut, en bas...

17 nov. 2011

Pascal Quignard

Pascal Quignard livre en 2002 Les ombres errantes, un ouvrage profond et atypique fait de fragments érudits où les obsessions de l'auteur reviennent en boucle. Ce livre obtient le prix Goncourt. Dans l'extrait ci-dessous, le secrétaire du dernier roi romain Syagrius s'entretient avec un lettré toulousain venu de la cour du roi Alaric.


Le Toulousain affirma que ses reins et les articulations de ses doigts ne pouvaient plus supporter le climat des Gaules et que maintenant la peur s'était emparée de lui avec le regret du soleil. Ils évoquèrent le nom des lettrés de l'ancien temps et ils citaient des anecdotes qui les emplissaient de joie. Le lettré de Toulouse qui avait quitté Trêves avait connu une vieille femme, quand il était lui-même tout jeune et qu'il apprenait ses déclamations, qui se vantait d'avoir sucé Augustin à Milan, dans le temps où il était encore païen. Il avait connu aussi Olybrius et louait sa gravité et sa vertu, ainsi que la tristesse violente de sa mort.

5 nov. 2011

Russell Banks

Le roman de  Russell Banks La réserve publié en 2007 met en scène en 1936 dans le cadre isolé d'une réserve naturelle américaine, les relations amoureuses adultérines entre représentants de la haute société, des classes laborieuses et du monde de l'art tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, l'Europe s'enfonce peu à peu dans le cauchemar de la guerre.


 ...la douceur et la lenteur avec lesquelles Hubert et elle faisaient l'amour lui avaient appris qu'elle désirait qu'on la tienne, et non pas qu'on la prenne. Elle voulait être touchée avec précision de la langue et du bout des doigts, et pas être pénétrée, soulevée, déséquilibrée et se sentir gauche, incapable de maîtriser son corps par elle-même, obligée de l'abandonner à la manoeuvre de quelqu'un d'autre. Et elle s'aperçut que, bien que facile à satisfaire, elle désirait tout autant qu'Hubert donner du plaisir à son partenaire. Non pas comme une récompense mais comme un pur cadeau, et ce don l'excitait et la comblait.

1 nov. 2011

Emmanuel Carrère

Dans son livre publié en 2007 Un roman russe, Emmanuel Carrère mêle plusieurs récits. L'un de ceux-ci retrace la liaison compliquée qu'entretient l'auteur avec Sophie. Cette relation passe par la rédaction d'une nouvelle érotique réellement parue dans le Monde, qui n'aboutira pas aux effets attendus par Carrère. L'auteur a reçu le prix Fémina en 1995 et le prix Renaudot en 2011.


Juste le regarder. En fait, il la regarda faire l'amour avec son mari dans un train, à distance. Surtout ne rien modifier au plan initial. Parce qu'au fur et à mesure de sa découverte du texte, leur désir va monter. Que de s'exciter aux mots du mari sous le regard de l'amant va lui procurer un plaisir nouveau et puissant. A la fin, ils iront se masturber ensemble, tous les deux dans les toilettes. Elle devant la glace, lui derrière. Il fera attention de ne pas éjaculer sur elle, de lentement se vider sur le sol sans l'éclabousser. Il faudra qu'ils soient forts pour ne pas se toucher. Qu'elle parvienne à ne pas prendre dans sa bouche l'énorme bite dont elle aime tout. L'odeur, la forme, le gland trapu et rond, la veine gonflée qui s'enroule sur la verge comme un lierre et qu'elle adore caresser et comprimer du bout de l'ongle, et son sperme, ivoire, si abondant et dont elle se macule le visage. Quand ils ont le temps, elle lui demande parfois de décharger dans ses cheveux blonds. Ensuite, il lu masse longuement le crâne en disant qu'il fait entrer dans sa tête plein de sa semence et de minuscules êtres vivants.

10 oct. 2011

Juan Carlos Onetti

Gabriel Garcia Marquez ou Mario Vargas Llosa ont reconnu l'influence sur leur oeuvre du méconnu Juan Carlos Onetti. Celui-ci publie en 1979 Laissons parler le vent qui fait partie du cycle des récits ayant pour cadre la ville imaginaire de Santa Maria . Onetti est lauréat du Prix Cervantes, la plus haute distinction littéraire du monde hispanophone.
Dans le passage suivant, le narrateur Medina retrouve une jeune putain qui exerce sur lui une fascination irrépressible.

                                          (remerciement à Waid)

Nous parlâmes et je respirai son odeur. Trois cents pesos plus la chambre, un prix spécial qu'on me faisait pour une prestation complète.
Je la humai sans désir ostensible tandis que nous descendions vers l'hôtel, situé à trois ou quatre rues de là. Une fois dans la chambre, je vis qu'elle n'avait pas beaucoup changé ; elle continuait de porter un pantalon, ocre ce jour-là, et une veste ; il me suffirait de lui laver la tête et de la décoiffer pour la retrouver, à nouveau penchée, me montrant son nez d'enfant, sa bouche moqueuse maintenant active, avec, pour le moment, accru, grandissant, se répandant, ce petit rien de vulgarité et de cynisme qui m'avait un instant bouleversé, un lundi, mercredi ou vendredi dans la pharmacie de le rue Isla de Flores.

Frénétique et dissimulateur, mêlé à ce corps que la déformation professionnelle rendait désespérément propre, traversant en outre la vulgarité des parfums synthétiques qu'il fallait soulever et arracher comme d'épaisses croûtes transparentes, je crus reconnaître - dans l'haleine, les aisselles, le sexe, la fatigue - les mots, les êtres et les choses qu'énumèrent les livres et qui reviendront.

13 sept. 2011

Tonino Benacquista

Tonino Benacquista est un écrivain populaire qui a débuté sa carrière d'écrivain dans la littérature policière - tendance noire- avant de publier des livres à plus large public. Au printemps 2011, il livre Homo erectus, roman où des hommes viennent raconter devant leurs pairs leurs amours et aventures sexuelles selon un principe qui rappelle celui des Alcooliques Anonymes. Parmi eux, Yves, ici en compagnie de Kris.


Kris se surprit à examiner l'embrasure en PVC de la fenêtre à laquelle elle était accoudée, puis retourna s'asseoir auprès de son hôte. Elle renchérit sur le mot 'bruit', se plaignit d'être réveillée par le rideau de fer du bistrotier en face de chez elle, puis égrena quelques généralités sur le brouhaha urbain. Yves l'interrompit pour lui demander d'ôter son kimono, ce qu'elle fit sans s'en étonner. En la voyant, les jambes croisées, le bas remonté sur la cuisse, évaluer le nombre de décibels que peut produire un enfant en bas âge, Yves se souvînt  d'avoir un jour demandé à Pauline de se mettre nue pendant qu'elle préparait un cake aux olives : elle avait refusé tout net. Il apporta quelques précisions sur les fréquences de la voix humaine tout en admirant les seins superbes de son invitée, ses hanches, son pubis, la lisière de son sexe, qu'il eut envie de sentir, d'embrasser à nouveau, et s'agenouilla à terre. Puis il se releva, la queue dressée à hauteur de la bouche de Kris, qui allait devoir interrompre un moment sa conversation.

31 août 2011

Sexy Sushi

Cela doit être l'été... Restons dans le domaine musical avec une étrangeté venue du pays nantais : le couple Sexy Sushi formé de Rebeka Warrior et de Mitch Silver. C'est minimaliste pour la musique mais cela sent très fort côté paroles et c'est redoutablement chaotique sur scène.
Voici une parfaite illustration de la production de ces deux zozos, un extrait du morceau Petit PD (2008)


J'ai noyé mon chagrin dans le creux de tes reins
J'ai noyé ma tristesse dans le creux de tes fesses
J'ai rangé mon ennui dans le bleu de la nuit
J'ai rangé mon ambition


Laisse-moi t'embrasser, petit PD, moi aussi je peux t'aimer
Laisse-moi t'embrasser, petit PD, moi aussi je peux te sucer

J'ai ravalé ma peine à coup de Tranxene
Et j'ai bien compris que tu n'étais pas celui que je pouvais aimer, petit PD
Que je pouvais embrasser, petit PD
Que je pouvais sucer, petit PD
Que je pouvais sucer, petit PD

24 juil. 2011

Elli Medeiros

En cette période estivale, un peu de légèreté musicale ne peut nuire. En 1986, la très belle Elli Medeiros connaît le succès avec la chanson Toi mon toit dont la moitié des paroles est présentée ci-dessous. Ceci est l'occasion de rendre hommage à ce duo culte que fut Elli & Jacno, et à son ancien compagnon, le très parisien Denis Quilliard dit Jacno, inhumé dans le village de Villars en Azois quelque part dans le département de la Marne.


Prends un petit poisson
Glisse-le entre mes jambes
Il n'y a pas de raison
Pour se tirer la langue

Ne me regarde pas
Comme ça tout de travers
Qui fait le premier pas
Pour s'aimer à l'envers

Toi, toi mon toit
Toi, toi mon tout mon roi
Toi, toi mon toit
Toi, toi mon tout mon roi

(arrête, arrête, ah, arrête...)

8 juil. 2011

Richard Grossman

Traduit cette année en France dans l'excellente collection Lot 49, L'Homme-Alphabet est un roman hors normes de Richard Grossman publié en 1993. Sous une trame apparente de thriller, ce livre est une expérimentation d'écriture parfois ardue pour le lecteur. Le héros tatoué, Clyde, est un parricide, poète, souffrant de quelques troubles de personnalité. Dans l'extrait suivant, s'exprime le clown venu hanter son cerveau.

(dédicace pour Cat)

Commence à faire trop chaud ici, où tu vas ? Attends-moi Clyde attends-moi, t'as pas besoin de te carapater à l'autre bout du living-room fais pas ça, mec, il est vierge, j'ai dit touche pas sa trique mec, c'est une propriété vierge, touche pas sa braguette fais pas comme t'a fait une fois descends pas sa braguette découpe pas tranche pas la descends pas l'arrache pas la fais pas sauter et la mords pas pour la rejeter passk'il est à califourchon sur le grand V si tu vois c'que je veux dire et chez les garçons les V portent des pieux qu'on appelle des zizis franchement c'est pas mon intention de te la faire labiale et de te ruiner l'appétit, mais t'as assez mangé de steak oblong pour toute ta vie (y les faisait reluire puis il les souillait hihihi ce mignon d'la fellation il a un goût du tonnneeeeerrre) et je dois reconnaître que les clowns sont professionnellement incapables de sensibilité, mais enfin qu'est ce qui a bien pu te mettre dans la tête que j'allais arrêter de tuer?

5 avr. 2011

Don DeLillo

Don DeLillo, lauréat du National Book Award en 1985, publie l'excellentissime Cosmopolis en 2003, récit d'une journée de la vie du golden boy Eric Packer à New-York. Tout autre commentaire est superflu : lisez-le.


 Elle s'approcha du lit et lui prit des mains le verre de vodka. Il ne pouvait plus s'arrêter de se balancer des cacahuètes dans la bouche.
" Tu devrais manger plus sain."
Il dit : " C'est un jour spécial, aujourd'hui. De combien de volts disposes-tu?
- Cent mille. Ça te brouille le système nerveux. Ça te fait tomber à genoux. Comme ça", dit-elle.
Elle lui versa quelques gouttes de vodka sur le sexe. Ça piquait, ça brûlait. Elle riait en le faisant, et il voulut qu'elle recommence. Elle en versa encore un peu et se pencha pour le lécher, pour le nettoyer à la vodka avec sa langue, puis elle se plaça à califourchon sur lui. Elle avait un verre dans chaque main et s'efforçait de garder son équilibre tandis qu'ils tressautaient en riant.
Il lui finit son scotch et mangea les cacahuètes à pleines poignées pendant qu'elle se douchait. Il la regardait sous la douche et songea que c'était une femme à entraves et à ceintures. Jamais elle ne serait nue, en un sens.

19 mars 2011

Philippe Forest

L'oeuvre romanesque de Philippe Forest, entre fiction et autobiographie, est hantée par le souvenir de sa fille très tôt disparue. Le nouvel amour, publié en 2007 est le récit d'une tentative de recommencement après le deuil tragique.


C'est seulement après un bon moment que j'ai réalisé que je n'étais pas devenu aussi dur que j'aurais dû l'être. Lou semblait d'ailleurs assez peu s'en soucier. Elle se laissait faire avec des petits mots de plaisir. J'avais fait glisser ma tête entre ses cuisses et il avait suffi que je prenne entre mes lèvres le sommet de son sexe, que je le fasse rouler avec le bout de ma langue un tout petit moment, pour qu'elle se mette à gémir. Je crois qu'elle était dans un tel état magnifique de contentement qu'elle aurait pu jouir sans même que je fasse un geste vers elle. C'est d'ailleurs plus ou moins ce qui s'est passé. L'éblouissement amoureux agissait comme un formidable stupéfiant sur tout son corps. Et j'étais le pur témoin de ce phénomène auquel je participais à peine et auprès duquel plus rien d'autre ne comptait.

13 mars 2011

Jean-Philippe Toussaint

Jean-Philippe Toussaint publie en 2002 le roman Faire l'amour, récit minimaliste du voyage au Japon d'un homme, le narrateur, en compagnie de Marie. L'homme sait qu'ils vont se séparer et il est parti avec une fiole d'acide chlorhydrique. On retrouvera les mêmes personnages dans un roman récompensé du Prix Médicis en 2005.


C'était une envie immémoriale et instinctive, que je voyais croître et se nourrir en moi par le simple enchaînement des gestes de l'amour que nous accumulions. Marie avait soulevé le bassin pour m'aider à enlever son pantalon, et j'avais longuement embrassé son ventre nu autour de son nombril, juste au-dessus de la couture invisible du slip, qui marquait une frontière de tissu entre sa peau très blanche et le léger lycra noir et transparent du sous-vêtement. Puis, elle avait tendu la main pour m'aider à descendre le slip sur le côté, s'était encore soulevée pour l'enlever tout à fait, et alors elle avait progressivement cessé de bouger et de s'agiter, son impatience s'était tue. Elle demeurait allongée en arrière sur le lit, la nuque baignant dans un coussin, les lunettes en soie lilas de la Japan Airlines sur les yeux, avec une sorte d'apaisement des traits du visage depuis que ma langue s'était enfoncée dans son sexe, et elle gémissait très doucement, apaisée, accompagnant simplement les mouvements de ma langue en soulevant en rythme le bassin imperceptiblement.

5 mars 2011

Martin Amis

Martin Amis, que l'on désigne communément comme l'enfant terrible de la littérature anglaise (qu'il me pardonne cet étiquetage simpliste), publie en 1998 un recueil de nouvelles Eau lourde et autres nouvelles.
Voici un extrait tiré de Combien de fois.


 C'était toujours, sans exception, Vernon l'initiateur des actes sexuels conjugaux. Sa femme répondait toujours avec le même empressement timide. Les préliminaires oraux ne leur étaient absolument pas inconnus. En moyenne - et encore une fois, cela tombait toujours sur la même moyenne, et à nouveau Vernon se trouvait être un Monsieur Loyal que ces comptes ne faisaient aucunement sourire -, la fellation était pratiquée par la femme de Vernon tous les trois accouplements, soit 60,8333 fois par an, ou 1,1698717 fois par semaine. Vernon pratiquait le cunnilingus encore plus rarement : tous les quatre accouplements en moyenne, soit 45,624 fois par an, ou 0,8774038 fois par semaine. Ce serait une erreur de penser que c'était là toute l'étendue de leurs variations. Vernon sodomisait sa femme deux fois par an, par exemple... le jour de son anniversaire, ce qui semblait tout à fait approprié, mais aussi, ironiquement (ou du moins le pensait-il), le jour de son anniversaire à elle.

16 févr. 2011

Philippe Djian

Philippe Djian est un écrivain populaire, édité par une maison prestigieuse dans laquelle il  a d'abord travaillé comme manutentionnaire, auteur d'un roman adapté au cinéma dans un film devenu culte, mais jamais récompensé par un seul prix littéraire.
Voici un long extrait tiré de Vers les blancs, publié en 2000. Le narrateur, l'écrivain Francis, rend visite à son ami Patrick, tombe sur Nicole, l'épouse de Patrick, de retour chez elle. La suite se déroule pendant que le cocu est occupé à l'étage.


Après coup, je peux rétablir la suite des évènements, reconstituer l'ordre chronologique qui demeura confus dans mon esprit jusqu'au lendemain matin.
Je manque de certains éléments pour commencer. Ainsi, je ne pourrais dire lequel de nous deux esquissa un geste en direction de l'autre. Je vous prie donc de m'excuser pour cette zone d'ombre et vous propose de me retrouver d'emblée aux pieds de Nicole, mes bras enserrant ses jambes et mon visage écrasé contre sa jupe.

Séquence n° 1
Il me semble que je ne dis rien, non, pas à ma connaissance, que je me contente de l'étreindre sans penser à autre chose. Il fait tout noir. Comme si l'on m'avait lancé une couverture sur la tête. Je reste ainsi, disons une minute, à la frontière de la réalité et du rêve.


Séquence n° 2
Situation identique à la précédente. A ce détail près que mon visage est en contact avec sa peau nue. J'en  déduis qu'elle a retroussé sa jupe. Elle porte un slip réalisé dans un voile microfibre, des bas et un porte-jarretelles. La tiédeur de son entrejambes m'envahit. A ce moment, je ne pense pas encore à Patrick, qui tourne en rond au dessus de nos têtes.


Séquence n° 3
La logique veut que je place ici la scène suivante, mais je n'en mettrais pas ma main à couper. Nicole se tient au portemanteau fixé au mur. Elle a posé un pied sur le guéridon où trône une composition de fleurs séchées. De mon côté, j'ai écarté son slip et je la lèche. Quelque chose me dit qu'elle a uriné il y a peu. Le sang cogne à mes tempes. Ma main libre fouille dans son soutien-gorge avec impatience. Nicole tremble.

Séquence n° 4
Nous sommes derrière le bar. Du coin de l'oeil, je surveille l'ouverture pratiquée dans le plafond, menant au bureau de Patrick. Cette fois, c'est Nicole qui me suce la queue. le temps est suspendu. Mes jambes flageolent. Elle est accroupie, genoux écartés, mes couilles dans le creux de la main. Je me suis débarassé d'un mocassin et d'une chaussette et je la branle avec le pied. Nous grimaçons de plaisir et d'effroi. Ma queue luit tel un un sucre d'orge. Je tiens à la main une poignée de Kleenex que j'ai sortie de je ne sais où.

Séquence n°5
Nous voici à présent dans le coin opposé du salon. Je n'écarte pas la possibilité de l'avoir baisée avant qu'elle ne me suce. Il y a donc à nouveau un doute quant à l'ordre des séquences. Mais bon. Nicole est accoudée au dossier du canapé. J'ai baissé son slip et je l'enfile. Elle mord un coussin de cuir en peau de buffle. Les deux mains soudées à ses hanches, je pratique un coït au rythme lent, quasi hypnotique. J'entends Patrick qui s'esclaffe au téléphone : "Hi Hi ! Ho Ho !..." Quand je suis au fond de son vagin, Nicole secoue les fesses. J'essaye d'attraper son clitoris. Je n'ose pas défaire son chignon.

Séquence n°6
Debout contre le mur, côté rue. Ses jambes sont nouées autour de ma taille. Impossible de savoir si je l'ai enculée à cette occasion ou un peu plus tôt, avant que nous ne quittions le canapé. Ou plus tard, dans la séquence numéro sept. Bref, nous titubons dans les rideaux. J'ai empoigné ses fesses. Une de ses jarretelles a sauté et son bas a glissé au-dessous du genou. Nous avons très peur. Elle me donne son sein à téter. Puis l'autre. Nous baignons dans une lumière dorée. J'ai beau appeler l'obscurité du soir, elle ne vient pas.

Séquence n°7
Une chose est sûre : j'éjacule dans la cuisine. J'entends : alors que nous sommes dans la cuisine. Mais par quel hasard? Que fabriquons nous là? Mystère ! Je me suis posé la question. En fait, il n'est pas impossible qu'il en manque un bout. Un temps, j'ai caressé l'idée d'avoir eu deux éjaculations mais je ne le crois pas. Mon raisonnement était le suivant : je la suce, elle me suce et nous allons conclure dans la cuisine. Ensuite, et ensuite seulement, nous entamons notre numéro dans le salon. Souvenez-vous : je n'ai jamais trompé Edith. Nous pouvons donc très bien imaginer qu'agissant ainsi pour la première fois de ma vie, je fusse transporté par une vigueur exceptionnelle. Moyennant quoi nous ajoutons une huitième séquence dans le salon et tout s'éclaire. Mais encore une fois je n'y crois pas. Je peux me tromper mais je n'y crois pas.
Quoi qu'il en soit, c'est la cuisine que je marque d'une pierre blanche. Le croirez-vous? Une larme a roulé sur ma joue tandis que je déchargeais. Une larme. Une vraie larme.
Mais n'anticipons pas. La cuisine. Nous y sommes. Le mobilier ne s'y prête guère. Avons donc atterri sur le carrelage, le souffle court, bousculés par l'urgence. Follement inconscient, j'ai sorti une jambe de mon pantalon pour me sentir libre de mes mouvements. Nicole m'a imité avec son slip. Deux dingues. Optons pour la position du missionnaire. Je l'empale. Elle s'accroche à mon cou, les yeux écarquillés. Bien reçu. Nous nous mangeons la bouche. Je lui mets un doigt dans le cul. Elle en met un dans le mien. Au-dessus de nous, le parquet grince. Nous nous mordons les lèvres, chacun de notre côté. J'ai sorti sa poitrine de son soutien-gorge. Ses bouts sont fermes comme du caoutchouc. J'attrape ses chevilles et lui écarte les jambes en Y. Sa vulve semble jaillir de ses gonds. Je crache dessus, l'astique avec ma paume. Elle plante ses ongles dans mes fesses. Ça me plaît. Je la retourne. Elle plonge une main entre ses cuisses et tripote nos sexes à l'aveuglette. Le mien. Le sien. Les deux à la fois. Malgré tout, c'est une course contre la montre. Elle veut me voir, elle se remet sur le dos. Se renfile ma queue séance tenante. Je suis dans son cul, non? Je me le demande. D'une seconde à l'autre, Patrick va enfoncer un couteau de cuisine entre mes omoplates. Redoublant d'audace, nous pratiquons un soixante-neuf vite fait. Bâclé. Mais quand même sympathique. Puis nous forniquons de nouveau. Pour plus de sureté, je m'assure que son trou du cul est libre car je ne veux pas d'une sodomie pour mon premier écart sexuel, mais tout est okay. Bientôt, des nappes de lave clapotent alentour. Clap ! Cloc ! J'observe Nicole s'introduisant un sein dans la bouche. Son vagin me va comme un chausson. Pour finir, elle fait de l'hyperventilation. Je plaque une main contre ses lèvres, priant pour que Patrick n'ait pas l'oreille trop fine. Quand ça vient, elle me presse les bourses avec douceur. Si bien que chacune de mes giclées menace de lui ressortir par les narines.

6 févr. 2011

Entracte

Profitons-en pour remercier les artistes qui contribuent au décor de ce lieu et entamer une folle sarabande de name-dropping :

Francis Bacon, Laurent Benaïm, François Boucher, le Caravage, Gustave Courbet, Lucas Cranach, Edgar Degas, Eric Fischl, Jean Fouquet, Jean Honoré Fragonard, Paul Gauguin, Alberto Giacometti, Giorgione, Johannes Gummp, Cornelisz van Haarlem, Keith Haring, Alfred Hitchcock, Jean Auguste Dominique Ingres, Irina Ionesco, Oskar Kokoschka, Tamara de Lempicka, René Magritte, Robert Mapplethorpe, Chris Marker, Michel Ange, Pierre Molinier, Lewis Morley, Pier Paolo Pasolini, Stephane Penchreac'h, Pablo Picasso, Pierre et Gilles, Jackson Pollock, Nicolas Poussin, Angelin Preljocaj, Jan Saudek, Egon Schiele, Chiharu Shiota, Nicolas de Stael, le Titien, Andy Warhol

et tous ceux dont je n'ai pas noté le nom !

5 févr. 2011

Geoffrey Chaucer

Les contes de Canterbury, écrits par Geoffrey Chaucer à la fin du XIVème siècle, sont considérés comme une des plus anciennes oeuvres écrites en langue anglaise. Dans le conte du meunier, deux étudiants, Nicolas et Absalon se disputent les faveurs d'Alice Lison, mariée à un charpentier. Nicolas parvient à ses fins. Son rival Absalon est alors victime d'une farce des deux amants dans la scène suivante où il se trouve à implorer la belle sous sa fenêtre.


 - Hélas, gémit Absalon, quel malheur
Qu'amour sincère soit aussi mal reçu !
Donne-moi un baiser, à défaut du reste,
Pour l'amour du Christ et aussi de moi.
- T'en iras-tu alors? demanda-t-elle
- C'est promis, ma chérie, dit Absalon.
- Prépare-toi donc, je reviens tout de suite.
Elle chuchota alors à Nicolas :
- Ne fais pas de bruit, et tu vas bien rire.
Absalon se mit à genoux, disant :
- Je me sens lancé, heureux comme un prince,
Car ce n'est là, je l'espère, qu'un début.
Ta grâce, ma chérie; ta faveur, poussin !
Elle ouvre la fenêtre en un éclair.
- Vite, dit-elle, presse-toi donc et dépêche-toi
Pour que nos voisins ne t'aperçoivent pas !
     Notre Absalon s'essuya bien la bouche.
Noire était la nuit, comme poix ou charbon.
A la fenêtre Lison mit son derrière
Et Absalon n'eut pas d'autre choix
Que d'appliquer la bouche sur le cul tout nu
Goulûment avant de se rendre compte.
Confus, il se rejeta en arrière,
N'ignorant pas qu'une femme est imberbe
Or il avait touché une touffe rêche et poilue.
-  Pouah ! s'écria-t-il, Ah ! qu'est-ce que j'ai fait?
- Hi, hi ! fit-elle en claquant la fenêtre.
Absalon s'éloigna, tout misérable.

29 janv. 2011

Manuel Vazquez Montalban

Manuel Vazquez Montalban est connu pour ses romans mettant en scène le détective gastronome Pepe Carvalho. Les premiers livres de la série écrits dans les années 70 donnent l'image d'une Espagne quittant le franquisme pour entrer sur le chemin de la movida. Parmi eux : Les mers du sud, publié en 1979 et lauréat du prix Planeta, le Goncourt espagnol. Ce roman a connu une première traduction en français avec un autre titre Marquises, si vos rivages.
Ici Pepe Carvalho croise la route de Yes, charmante jeune fille grosse consommatrice de poudre blanche.  


Ça ne m'intéresse pas de vivre un amour fou avec une fille qui ne fait pas la différence entre l'amour et la cocaïne. Pour toi, ça, c'est comme la cocaïne. Tu peux dormir ici cette nuit. Demain de bonne heure tu t'en iras et nous ne nous reverrons plus.
Yes se leva. Depuis le sol Carvalho regarda les hauteurs de son corps précis, la douce humidité de son sexe léché par un animal vorace. Elle éloigna vers la sortie ses fesses planétaires. Elle se retourna un instant pour remettre avec insistance ses cheveux derrière son oreille favorite. Ensuite elle rentra dans la chambre et ferma la porte. Quelques minutes après Carvalho alla voir. Il la trouva en train d'aspirer de la cocaïne. Yes lui sourit du fond de son rêve blanc.

15 janv. 2011

Jerzy Andrzejewski

En 1979, l'écrivain polonais Jerzy Andrzejewski publie clandestinement dans son pays le roman La pulpe, oeuvre imposante et complexe mêlant récit, journal personnel et pièce de théâtre. Dans l'extrait présenté, le docteur Ksawery Panek s'entretient avec Madame Kuran, qui déplore les frasques alcooliques de son fils Marek.


A cet instant s'est cristallisée en Ksawery la certitude qui le tourmentait confusément comme un insaisissable stryge depuis la première nuit, la nuit du mardi au mercredi (après le récital d'Halina Ferens-Czaplicka), où Marek n'est pas rentré à la maison, la certitude qu'étant tombé sur des amis de rencontre dans quelque bar il s'est abandonné en leur compagnie à un ballet de quelques jours. Et comme il possède une imagination sensible, aussitôt se sont mis à tourbillonner devant lui, à une distance d'un bras à peine et même plus près encore, toutes sortes de configurations érotiques dans lesquelles, de l'enchevêtrement effréné de membres hermaphrodites, de poitrines, de ventres, de lèvres humides et ouvertes et de cuisses licencieusement écartées ou levées comme des ailes et d'organes génitaux tumescents couverts de sueur et de salive, les sortilèges les plus agités et les plus audacieux devenaient l'apanage de Marek, de ses yeux louchant avec inquiétude mais impudence aussi, de ses yeux ombrés par les cils féminins et de son corps juvénile s'offrant avec zèle à toutes sortes d'assauts dont il était aussi instantanément avide. Assailli par cette vision importune, il a sorti un mouchoir de la poche de pantalon de velours, s'est essuyé le front et les mains et a dit :
- Je sais bien Marek a bon coeur.

8 janv. 2011

Eun Hee-Kyung

Le travail de la romancière coréenne Eun Hee-Kyung, très renommée dans son pays, a été couronné de nombreux prix littéraires. Le recueil de cinq nouvelles, Les boîtes de ma femme, publié en 1995, traite de la difficulté de communication entre deux êtres, notamment dans le couple.


Ma femme se couchait toujours en chien de fusil. De toute évidence, elle se refusait. Du moins n'était ce pas sans grande difficulté que je pouvais l'amener à des rapports charnels. Je chuchotais à son oreille : « Nous sommes mariés. L'acte en soi est très naturel. Tu devrais y prendre plaisir. »
Elle me répondait en caressant mes joues de ses lèvres : « Mais je veux tout te donner ! »
J'avais beau faire, son corps restait invariablement froid et sec. Je devais alors prendre le parti de l'embrasser doucement, avec patience, en glissant ma langue au plus intime d'elle-même. Puis, je la pénétrais lentement ; elle me prenait alors par les épaules en disant d'une voix très faible, proche des larmes : « Je t'aime. »
Comment un être aussi doux qu'elle a pu en arriver là !

1 janv. 2011

James Joyce

L'oeuvre emblématique de James Joyce, Ulysse, fut publié en 1922 à Paris. Objet d'innombrables études, ce livre fut édité en 2004 dans une nouvelle traduction française dont est tiré l'extrait suivant, situé dans l'épisode final, le monologue intérieur de Molly Bloom. La voici en plein  fantasme en pensant à Stephen Dedalus, l'un des deux personnages principaux du roman.


pourquoi est ce que les hommes sont pas tous faits comme ça quelle consolation ça serait pour une femme comme cette jolie petite statue qu'il a achetée je pourrais passer la journée à la contempler sa tête bouclée ses épaules son doigt levé pour qu'on l'écoute ça c'est de la beauté pure et de la poésie j'ai souvent senti l'envie de l'embrasser partout même sa jolie petite bite là si innocente j'aimerais bien la prendre dans ma bouche si personne me regardait comme si elle te demandait de la sucer avec son air si propre et blanc et sa tête de jeunot et je le ferais en une demi minute même s'il y en a un peu qui me va dedans ça ferait rien c'est seulement comme du gruau ou de la rosée pas de danger il serait si propre à côté de ces porcs j'imagine qui pensent même pas à se la laver d'1 année sur l'autre la plupart d'entre eux sauf que c'est ce qui donne de la moustache aux femmes je suis sûre que ce sera génial si je peux me faire un beau jeune poète à mon âge